La valorisation d’une entreprise avant la cession

Rencontre : Anne-Yvonne Diebold, avocate et Dirigeante du cabinet Athena Conseil x Lucas Fattori, Directeur du cabinet Michel Simond Alsace

Combien vaut votre entreprise ? Quelle est sa réelle valeur sur le marché ?

Au-delà des chiffres, lors de cette rencontre entre deux experts en transmission d’entreprise, vous découvrirez que la valorisation d’une société est bien souvent une équation à plusieurs inconnues.

 

« Est-ce que je suis prêt à vendre ? »

Avant même de s’intéresser à la valeur de l’entreprise, la première question qu’un chef d’entreprise doit se poser est bien plus personnelle : « Suis-je prêt à vendre ? ». Cette interrogation peut sembler anodine, mais elle cache une réelle complexité. Tout comme il est facile de prendre une résolution, mais beaucoup moins de l’appliquer, prendre la décision de vendre et le faire sont deux choses bien distinctes. Il n’est pas rare de voir plusieurs mois, voire des années, s’écouler entre le premier contact avec un cabinet de conseil en transmission d’entreprise et l’action concrète de mettre en vente sa société.

Ce délai ne résulte pas d’une précipitation, mais reflète un cheminement nécessairedu cédant, qui a déjà franchi une étape difficile : la prise de contact avec un professionnel du métier.

Au-delà des apparences, cette première étape n’est pas sans concession pour le futur cédant dont la plus grande crainte est la confidentialité de sa démarche, mais surtout de ce qu’il va être amené à raconter. En effet, nos experts qualifient cette première discussion avec le chef d’entreprise d’une véritable « mise à nu » où il va être amené à révéler des informations clés sur sa société, sa stratégie et son management. Il est par conséquent primordial que cet échange se fasse dans un climat de confiance, entouré par une équipe d’experts en transmission, qui accompagnera le dirigeant tout au long de la cession, mais surtout l’aidera à répondre à de nombreuses questions :

  • Quelles sont les actions à mener avant la cession ?
  • Quelles sont vos intentions après la vente ?
  • Pouvez-vous ou voulez-vous accompagner le repreneur, et si oui, pour quelle durée ?
  • Comment l’annoncerez-vous à vos proches, à vos collaborateurs, à vos clients, à vos fournisseurs et partenaires ?

Si vous êtes dans ce cas de figure, les réponses apportées lors de cette première entrevue vous guideront dans votre réflexion, mais surtout dans vos futures décisions lorsque vous serez « prêt à vendre ».

 

« Un volet émotionnel et humain colossal »

Un second point essentiel lors d’une transmission d’entreprise : l’émotionnel et l’humain ne doivent pas être négligés. Se préparer psychologiquement à la vente est aussi important que les démarches à engager pour celle-ci.

Anne-Yvonne Diebold met d’ailleurs en garde sur la « violence » que peuvent avoir certaines étapes de la transmission pour le cédant, notamment lors des audits :

« Il faut préparer le vendeur à ouvrir ses placards et presque sa chambre à coucher parce que [lors d’un audit] on vient chercher si vous avez été un bon manager, un bon commercial, un bon juriste, un bon financier. »

Il ne s’agit pas uniquement d’évaluer la performance de l’entreprise ou celle du dirigeant en tant que leader et gestionnaire, mais aussi de quantifier les risques. Ce niveau d’intrusion dans la vie de chef d’entreprise n’est pas à prendre à la légère.

Ainsi, l’équipe qui va se former autour du futur cédant va l’aider et le conseiller pendant, mais surtout avant ces différentes étapes notamment grâce à ce qu’on appelle un « état des lieux » ou Vendor Due Diligence. Ce procédé permet de faire une première évaluation de la valeur de l’entreprise sur le marchéafin d’éviter un écueil assez fréquent : la surestimation liée à l’affect ou encore une valeur fixée en fonction des besoins des projets futurs du vendeur. Sans que cela entraîne une décote de l’entreprise, il est important d’aboutir à une valorisation juste pour la rendre réalisable. Il arrive régulièrement qu’un cédant s’étonne de l’importance de la valeur de son entreprise.

L’anticipation est donc une notion clé de la valorisation d’une entreprise, c’est sans cesse répété, mais souvent négligé.

 

« S’entraîner à devenir inutile à son entreprise »

Un conseil tout aussi surprenant que pertinent. À sa création, une entreprise a une espérance de vie théorique de 99 ans. Ainsi, elle a de grandes chances de survivre au départ de son fondateur. Si l’on suit cette logique, pour qu’elle puisse continuer à prospérer dans le temps et survivre à son fondateur, il est crucial de « sensibiliser le dirigeant à sa propre fin ». En effet, une entreprise capable de fonctionner sans son dirigeant acquiert une valeur bien supérieure à celle dépendante d’un leader omniprésent.

 

« Prix et valeur d’entreprise sont deux choses différentes »

Une confusion se crée souvent entre le prix des titres ou actions d’une société et sa valeur. Le delta est uniquement comptable : on comprend aisément qu’une société qui a accumulé beaucoup de trésorerie en s’interdisant de distribuer des dividendes affiche un prix plus important qu’une société identique sans « extra-cash ». La valeur peut cependant être identique.

En sus d’une approche patrimoniale, la valeur d’une entreprise se trouve également dans des éléments intangibles, mais cruciaux, tels que :

  • Sa notoriété
  • Ses équipes/salariés
  • Son savoir-faire
  • La qualité de ses fournisseurs et partenaires
  • Son portefeuille client
  • L’historique de ses performances
  • La constitution de son marché
  • L’état de son carnet de commandes
  • Etc.

Ces éléments contribuent à l’équation complexe de la valorisation, soulignant une fois de plus qu’elle dépasse largement les simples calculs financiers. Comme évoqué dans le préambule, la valeur d’une entreprise est une équation à plusieurs inconnues. Il appartient donc aux cabinets de conseil de développer une approche de valorisation plus globale, qui va au-delà des méthodes traditionnelles enseignées dans les manuels.

Cependant, et comme les approches peuvent être multiples, le « juge de paix » est la rencontre entre l’offre et la demandeet donc d’un acheteur financé et d’un vendeur. Pour ce faire, rien de mieux que de disposer de comparables sur le secteur d’activité. Cette notion de valeur doit être dissociée des notions de risques à la reprise, encadrée par la garantie d’actif et de passif.

C’est pourquoi le cabinet Michel Simond Alsace propose une approche mesurée avec la mise en place initiale d’une lettre d’intérêt, et pas encore d’intention. Cette lettre ne quantifie pas encore les risques pesant sur l’actif et le passif de l’entreprise, mais permet de fixer les conditions principales du deal et notamment : le périmètre d’acquisition, la valeur d’entreprise, le calendrier des opérations ou encore les conditions d’accompagnement. L’accord des parties sur ces conditions essentielles permettra ensuite d’engager une phase d’audit en parallèle à la rédaction d’un protocole d’accord, afin de pouvoir mesurer au plus juste les risques et ainsi fixer le montant idoine de la « GAP ». L’objectif étant de pouvoir avancer sereinement en respectant les étapes clés d’une transaction réussie. Le laps de temps entre la LOI et le protocole crée ainsi une « zone de flou » contrôlée qui permet de fixer un accord entre les deux parties avant de finaliser les montants nécessaires pour couvrir les risques.

 

« Dans tout ce qu’on entreprend, il faut donner les deux tiers à la raison et l’autre tiers au hasard »

Cette maxime illustre bien la réalité de la transmission d’entreprise, où l’accompagnement psychologique est aussi crucial pour l’acheteur. Tout comme le cédant doit être prêt à vendre, le repreneur doit être « prêt à acheter ».

Si le processus psychologique d’acquisition peut sembler plus aisé que celui de la cession, il n’en est rien. La transmission d’entreprise est avant tout une aventure humaine, rien n’est fait avant la signature, c’est pourquoi, il faut rester vigilant. Nos deux experts évoquent d’ailleurs de nombreuses anecdotes sur des potentiels acquéreurs avec des profils plus que parfaits sur le papier, mais qui au cours de leurs acquisitions stoppent tout car ils bloquent sur un détail et sont en proie au doute. La qualification préalable et un discours de vérité dans un climat de confiance sont nécessaires pour faire aboutir un projet de reprise.

C’est pour cela que pour les deux profils, un accompagnement et surtout une anticipation laissant le temps nécessaire à la mise en place de certains changements ou à l’affinage de la stratégie sont primordiaux. Anne Yvonne Diebold ajoute :

« Si le stock est générateur de coûts, je dirais que le temps est créateur de valeur ».

En se laissant le temps d’être guidé à travers toutes les étapes : l’accompagnement en amont, les audits et les dues diligence, le plan stratégique de cession, la rédaction des protocoles d’accord puis la levée des conditions suspensives dont les accords bancaires, etc. Acquéreur et cédant garantissent la faisabilité de leur projet dans les meilleures conditions possibles.

 

« La valeur de l’entreprise, c’est avant tout son capital humain, donc ses équipes, mais aussi son leader »

Penser qu’une transmission d’entreprise se termine au moment de la signature de l’acte réitératif est une grossière erreur. C’est justement une période cruciale qui s’ouvre et qui, si elle est négligée, pourrait entraîner la perte de l’essence même de l’entreprise : son capital humain.

En effet, un des grands risques d’une transmission mal préparée est de voir les employés se sentir trahis ou négligés, ayant l’impression d’être « vendus comme un bout de papier ». Une telle perception peut mener à des démissions massives ou à une démotivation généralisée, fragilisant ainsi la structure même de l’entreprise.

Pour contourner ce risque important, et ses conséquences, une présentation claire du futur de l’entreprise et de sa stratégie doit être menée après la purge des conditions suspensives (et surtout, pas avant) :

  • Informer les parties prenantes de la cession: il est essentiel de communiquer de manière claire et stratégique aux employés, mais aussi aux fournisseurs, clients et autres partenaires. Une communication trop précoce ou mal gérée peut provoquer des incertitudes et des rumeurs. Ainsi, attendre d’avoir la certitude de vendre et d’avoir un repreneur identifié permet d’éviter les faux départs et les informations contradictoires. Et surtout une transition plus sereine.
  • Présenter le repreneurau moment de l’annonce : ce moment important permet au cédant de rassurer les équipes et les parties prenantes de l’entreprise, mais également d’appuyer la place du repreneur dans l’entreprise pour dissiper les doutes éventuels et garantir la continuité des relations de confiance.

 

« Avant le cédant percevait son prix, mais demain, on partagera de la valeur avec ceux qui la créent »

Nos deux experts constatent et recommandent, dans la mesure du possible, une association des salariés clés de l’entreprise au projet de reprise. Elle permet une juste rétribution en assurant du même fait la pérennité de la société. À l’occasion d’un transfert de propriété et de la dette mise en place pour réaliser l’opération, le coût d’entrée au capital est souvent mesuré et alloue aux personnes clés participant au projet une légitimité et un engagement qui n’aura pareille mesure que d’autres outils de partage de la valeur. Il s’agit ici d’une tendance de fond qui marie sur le long terme rémunération du travail et du capital.

Ainsi, cette rencontre entre Anne-Yvonne Diebold du cabinet Athena Conseil et Lucas Fattori du cabinet Michel Simond Alsace a permis de mettre en lumière des aspects souvent négligés par les approches traditionnelles de valorisation. Au-delà des techniques financières, c’est l’accompagnement humain, l’écoute et la gestion des dynamiques interpersonnelles qui déterminent le succès d’une transmission.

Pour conclure, nos deux experts terminent sur cette phrase qui résume parfaitement l’objet de cette rencontre :

« La technique, c’est une chose, mais l’accompagnement humain et psychologique, c’est essentiel à la réussite d’une opération de cession. »

 

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